La nage avec la bipalme
Un petit historique
Dans l’antiquité
Datant du IXe siècle av. J-C, un dessin assyrien montre des soldats traversant un fleuve munis d’accessoires en forme de pattes d’oies qu’ils ont fixés à leurs pieds. De plus, ils chevauchent un réservoir d’air formé d’une peau entière de mouton (ou de chèvre) dont les orifices ont été ligaturés pour la rendre étanche. Un tuyau fixé au niveau de la tête permet au nageur de respirer sans êtes gêné par les vagues.
Au XVIe siècle
Leonardo da VINCI (15/04/1452 – Vinci, Italie ; † 02/05/1519 – Amboise) par lui-même.
Leonardo dessine des accessoires de nage que d’éventuels nageurs pourraient utiliser : des gants palmés ayant la forme des ailes de chauve-souris à fixer aux poignets.
Ces accessoires ont-ils été utilisés à cette époque pour se déplacer dans l’eau ? Dans l’état actuel de nos connaissances, la réponse est non car, nés de son imagination débordante, une partie de ses projets sous forme de dessins n’ont pas eu de réalisations exploitables à son époque.
Au XVIIe siècle
Giovanni Alfonso BORELLI (28/01/1608 – Naples ; † 31/12/1679 – Rome) conçoit un système de respiration sous l’eau et des sortes de sandales en forme de pattes d’ours à fixer aux pieds du “plongeur subaquatique”.
Ces dernières étaient destinées à des travailleurs sous l’eau dont l’immersion était cependant très limitée.
Vraisemblablement, ces accessoires étaient utilisés pour : marcher sur la vase ou les fonds meubles plutôt que pour nager.
Ce dispositif permettait peut-être de respirer sous l’eau, mais certainement à de très faibles profondeurs.
Au XVIIIe siècle
Benjamin FRANKLIN (17/01/1706– Boston USA ; † 17/04/1790 – Philadelphie USA), homme politique américain et célèbre inventeur du paratonnerre, aurait confectionné et utilisé dans son enfance une sorte de palme pour nager plus vite. En 1717, âgé de 11 ans, il étudie l’anatomie des grenouilles. Passionné de natation, cette étude lui donne l’idée de fabriquer des ailettes en bois afin de nager plus vite. D’abord fixées aux mains, il les juge plus efficace si elles sont positionnées aux pieds. Par la suite, ses ailettes tombent dans l’oubli, elles n’ont été utilisées que par lui-même.
Au XIXe siècle
En raison des grands travaux subaquatiques divers réalisés à cette époque, c’est le grand essor des scaphandriers, encore appelés « les pieds lourds ». Les déplacements s’effectuent alors sur le fond de l’eau, ce n’est donc pas l’objectif des palmes de natation !
Au XXe siècle
C’est le siècle de l’invention et du grand développement des palmes de natation. Avec cet accessoire, on va pouvoir se déplacer avec plus de facilité dans les trois dimensions de l’espace aquatique.
Naissance de la bipalme
Les inventions
- L’ancêtre de la palme utilisée actuellement est une invention française (cocorico !).
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Le premier qui déposa le brevet d’une palme est un militaire à la retraite, le Capitaine de Corvette Louis de CORLIEU (23/11/1888 – Bourges ; †19/10/1971-Paris).
- En 1914, Louis de CORLIEU fait une démonstration pratique de son premier prototype de palmes devant un groupe d’officiers de la marine. L’idée n’est alors pas retenue par les examinateurs.
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Le 25 avril 1925, il quitte la marine et il est versé dans le cadre de réserve.
La période des recherches
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En 1927, il débute ses recherches de survie en mer.
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De 1928 à 1933, il se consacre à l’hydrographie au Congo Belge et continue ses recherches de survie en mer :
a/ protection thermique du corps contre l’exposition à l’eau de mer par un habit de caoutchouc,
b/ invention d’une « hélice de natation » pour se déplacer à la surface de l’eau plus efficacement et plus rapidement.
Les premiers essais
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À Noël 1932, il teste pour la première fois son matériel sur la Marne avec une combinaison de caoutchouc-mousse et des palmes aux mains et aux pieds.
L’une de ses palmes de pied est actuellement au Musée de la Marine à Paris et l’autre au Musée Océanographique de Monaco. -
Le 6 avril 1933, il dépose un brevet à Paris (n° 767 013) et étend ses droits dans sept autres pays.
Il s’agit d’un équipement formé de deux palmes fixées aux pieds et de deux cuillères fixées aux mains.
L’équipement est alors appelé propulseurs de natation et de sauvetage. -
Le 12 juin 1933, il procède à des essais officiels dans la rade de Saint-Jean-de-Luz devant des observateurs de la Marine Nationale.
Il nage dans une eau à 12 °C, pendant 6 heures, parcourant ainsi 8 kilomètres.
Malgré cette démonstration remarquable ses « propulseurs de natation et de sauvetage » subissent un refus d’adoption.
La Marine Marchande Française et les Amirautés Françaises et Britanniques rejettent son invention.
- En 1935, il s’associe avec le Commandant Yves LE PRIEUR (13/03/1885- Lorient ; †01/03/1963- Nice) co-inventeur du scaphandre autonome « Fermez-Le Prieur » dont le brevet avait été déposé en 1926.
Les manifestations grand public
- En 1936 a lieu la première course de natation avec palmes de l’histoire à la piscine de Pontoise (33m). Le nageur RIVIÈRE gagne le 66 m immersion, en un peu plus de 59 s.
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En 1937, à l’Exposition Internationale des Arts et des Techniques de Paris et à la stupéfaction des visiteurs, des nageurs sous-marins évoluent avec les palmes de « de Corlieu » et le scaphandre autonome « Fermez-Le Prieur », lequel avait été breveté en 1926.
C’est « l’Aquarium Humain », attraction de l’exposition. -
Chaque jour, Louis de CORLIEU nage dans l’aquarium avec ses palmes et sa combinaison isothermique afin de faire connaitre aux visiteurs ses « propulseurs de natation et de sauvetage ».
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Pendant l’été 1937, un groupe de quatre nageurs de 17 – 18 ans traversent la Manche avec ses palmes. Accompagnés de kayaks, tous réalisent la traversée en moins de 9 heures.
L’essor de la bipalme
- En 1938, un ami de Louis de CORLIEU, Monsieur LOMBART, part à Tahiti avec quelques-unes de ses palmes. Il étonne les nageurs tahitiens par le fait qu’il nage plus vite avec ses palmes que les tahitiens les plus rapides.
Ces compétitions amicales attirent l’attention d’un touriste américain, ancien champion olympique de voile, Orwen Porter CHURCHILL qui en achète une paire.
- En 1939, après la production artisanale de Louis de CORDIEU dans son appartement, il se lance en France dans une production de série.
Cette même année, très intéressé par les performances des palmes de Louis de CORLIEU, Owen CHURCHILL lui achète une licence de fabrication en série.
Il change le nom de « propulseurs de nage » en « swinfins », terme anglais encore utilisé de nos jours.
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En 1940, Owen CHURCHILL présente les palmes à la US Marine qui les adopte. Par la suite, elles seront également adoptées par la Marine Royale Canadienne et par l’Amirauté Britannique. Les nageurs de combat britanniques seront alors appelés les « frog-men ».
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De 1947 à 1960, c’est le grand essor de la bipalme qui est utilisés par tous les plongeurs mais également par « Monsieur Tout-le-Monde » au cours de ses loisirs aquatiques et de ses vacances.